Sa vocation
Ce sont donc des ouvertures à la vie réelle que la vocation du compagnonnage de notre temps doit apporter aux jeunes gens qui sortent d’un apprentissage dont les modalités correspondent mal à ce qui les attend. Ces ouvertures ne sont pas seulement techniques : ainsi le dépaysement qui est formateur pour la plupart des jeunes hommes.
On a pu dire que le Compagnon voyageait pour apprendre selon les régions des techniques différentes. Nous n’en sommes plus là puisqu’une uniformité certaine envahit le monde en commençant par celui de la technique. Mais le dépaysement agit encore comme par le passé, il est générateur de fermeté, d’acceptation du risque et de dépassement. Il fait reculer l’échéance des habitudes qui sont les symptômes de l’abdication lente des caractères.
Bien entendu les pouvoirs publics et toutes sortes d’institutions respectables aident aujourd’hui les voyages des jeunes. Mais sans rien entendre des données du vrai problème. Le vrai problème c’est la formation du caractère et ceci ne peut être obtenu en utilisant les voyages sous forme de loisirs, d’échanges, de rassemblement, voir de dialogues, tout ceci dans le contexte d’organisation fortement conditionnées dès le départ que nous repoussons parce que précisément elles n’apportent rien à la formation du caractère.
Le Compagnon voyage à ses risques et périls et au frais de son travail. Voilà un effort susceptible de développer la réflexion, le sens de l’aventure, et surtout pour l’intéressé de prendre sa mesure intérieure à l’occasion de certains moments ou la solitude devient sensible. C’est alors qu’il est bon d’essayer de se jauger soi-même. C’est parce cet aspect du problème du voyage des jeunes gens est parfaitement négligé (en dehors du Compagnonnage) par les entreprises qui prétendent agir en faveur d’une formation qu’elles n’aboutissent en réalité qu’à une vague information, un nivellement, une grandissante confusion des êtres.
Ainsi l’homme d’aujourd’hui est amené à ne plus pouvoir être seul en face de son prochain, et plus s’accentue cette tendance, plus ce prochain en apparence devient lointain en réalité. Nous livrons ces quelques idées vraies à nos savants psychologues afin qu’ils les dissèquent
Jean Bernard
Le Compagnonnage
Rencontre de la jeunesse et de la tradition
Presses universitaires de France